L’analyse des rêves et l’androgynat du couple

L’androgynat

Interview de Bernard Mirande par Muriel Foucart :
« Le Photophore » – Numéro double N°9/10 – été 1996

Psychologue, spécialiste des rêves, passionné par l’alchimie, les Tarots et autres voies d’exploration symbolique, poétique et métaphysique, Bernard Mirande est un de ces érudits animés d’une curiosité insatiable, qui ont su resté simple et chaleureusement humain. C’est en toute simplicité et aussi patiemment que consciencieusement qu’il a répondu à nos questions concernant le concept polymorphe d’androgynat. Par un hasard digne de la synchronicité jungienne c’est le thème qu’il avait choisi de traiter cette année avec ses étudiants en analyse de rêves… Les « trésors de l’individu » seraient-ils « enfouis » au cœur du sommeil paradoxal..?

Murielle Foucart : Que pensez-vous au sujet du thème de l’Androgyne primordial, de la bisexualité et de la double polarité fondamentale que l’être porte en lui?

Bernard Mirande : Le thème de l’androgynie se réfère à l’unification intérieure, alors que le thème de la bisexualité traite de la confusion entre le masculin et le féminin.

MF : Ne pensez-vous pas qu’une réunification intérieure de nos deux polarités peut amener concrètement à ne plus voir l’autre comme étant le sexe opposé, mais étant lui-même un androgyne, peut importe à ce moment-là l’apparence de son corps?

BM : L’androgynie conduit à un amour du masculin et du féminin qui sont en nous, et je ne pense pas que nous puissions y arriver par la bisexualité. Premièrement, parce que nous risquons dans ce choix de rester dans la confusion. Deuxièmement, parce qu’il est plus difficile de vivre harmonieusement deux formes de relation qu’une seule.

Frédéric Cirgues : Si je comprends bien, pour vous la bisexualité c’est plutôt quelque chose d’extérieur, alors que l’androgynie serait une démarche intérieure?

BM : Tout à fait : la bisexualité est une façon de vivre la sexualité. La quête de l’androgynat relève de la recherche intérieure. Sur le chemin de l’Androgynat, quelque soit la vie sexuelle (bisexualité, homosexualité, hétérosexualité) un moment viendra où l’amour va se centrer sur une seule personne ; donc il me paraît difficile d’arriver à l’androgynie par une sexualité liée à la confusion.

Le but, en principe, de l’androgynie consiste à parvenir à l’unification en soi-même car pour y arriver à deux, chacun doit y réussir intérieurement. L’androgynie s’obtient soi par la voie ascétique soit par la voie du couple (voie sèche ou voie humide).

Par la voie ascétique, nous y aboutirons par un travail de confrontation de sa masculinité à sa féminité, auquel s’ajoute des techniques de méditation et de réflexion intérieure. La voie humide, la voie du couple va être vécue dans un premier temps dans une confrontation à deux. Cette confrontation masculin/féminin va se faire dans une relation du quotidien ; bien sûr, ce travail est insuffisant, chacun devra parvenir à sa propre androgynie intérieure. Mais l’autre est un miroir qui va permettre l’unification. Ainsi, on peut arriver à l’androgynie quelque soit notre forme de sexualité, à condition d’unifier l’Anima et l’Animus.

C’est C.G. Jung qui a introduit ces notions. Cette idée d’Anima et d’Animus rejoint la philosophie taoïste du Yin et du Yang. Il s’agit là d’une philosophie universelle d’unité des contraires, et dans toutes les méthodes de méditation et de travail spirituel l’unification des contraires conduit au développement de l’amour ; développement toujours en rapport avec l’androgynie.

FC : Y a-t-il des traces de ce symbolisme dans l’ésotérisme?

BM : Oui, et ce, dans toutes les branches ésotériques. Alors, si nous étudions, par exemple, la mythologie grecque, nous nous rendons compte qu’il y a une figure de l’unification des contraires (parmi d’autres) à travers l’image du Sphinx (fig.1). Dans le mythe du Sphinx, l’androgynie passe par un rapport d’unification des 4 éléments : le Taureau, l’Aigle, L’Homme et le Lion (Terre, Eau, Air, Feu).

Mais ce Sphinx est plutôt hermaphrodite ; nous le voyons dans les Tarots d’Oswald WIRTH en 2ème position, et donc à la deuxième étape de l’évolution (et non à la dernière). Sur la lame 2 le Sphinx est placé sous le trône de la Papesse. Il correspond au chakra du bas, l’Étoile Noire, qui est en rapport avec l’idée des enfers ou du chaos intérieur. Ce centre d’énergie subtile peu connu se situe sous le Muladhara, entre les jambes. Il correspond au Centre de la Terre (fig. 2).

Donc, cette confrontation au Sphinx, conduit progressivement à la rencontre de soi-même. Œdipe le réalise très bien puisqu’il a vaincu le Sphinx, il sait ce qu’est un homme. Hélas, il ne sait pas encore ce qu’est un dieu. La question de l’énigme est : « – Qu’est-ce qui marche à 4 pattes le matin, à 2 pattes à midi et à 3 le soir? – Eh bien, c’est l’homme » répond Œdipe. S’il avait connu la véritable réponse il aurait eu accès au divin. Nous savons selon Sophocle (voir : « Œdipe à Colonne ») que le héros se voit refuser l’entrée dans le bois sacré (où il entend le chant de l’eau de la source et celui des oiseaux dans les arbres). Œdipe  a échoué (d’où son aveuglement) car en effet les 4 pattes représentent les 4 éléments à unifier (les 4 aspects complémentaires de la personnalité, les 4 types d’Hippocrate, …) ; les 2 pattes symbolisent le travail de monté et de descente des énergies Ida et Pingala dans le corps subtil, unifiant les 4 éléments ; quant aux 3 pattes, elles symbolisent l’utilisation non seulement des deux canaux d’énergie, mais aussi celle du 3ème canal, le vaisseau central permettant à la Kundalini de parachever l’ouverture des chakras (fig. 2). Les canaux subtils : Ida, Pingala et Sushumna sont enfin libérés grâce à la réunification du Yin et du Yang, de l’Anima et de l’Animus pour relier la terre au ciel et le corps à l’esprit.

Par conséquent, si nous étudions la progression des récits de méditation ou des récits de rêves (progression des symboles et des mouvements de circulation) nous verrons que toute l’évolution de l’être passe par la progression vers l’androgynie (et ce quelque soit le type de vie sexuelle choisi). Le symbole du Sphinx devient l’une des images androgynes que nous retrouvons en Alchimie pour coder la Pierre Philosophale.

En effet, vous trouvez dans la science hermétique la pierre de base (ou pierre philosophique) qui est le chaos primordial, le Sphinx hermaphrodite ; et vous avez la clef de voûte, la Pierre Philosophale qui, en fait, est matière parvenue à la perfection, codée par le Sphinx androgyne.

Nous retrouvons cette série d’image androgyne dans le « Rosaire des Philosophes » où, sur la dernière planche apparaissent le Roi et la Reine qui ne font plus qu’un : un seul corps à deux visages (fig. 3).

Solange Philippe : Mais on peut remarquer que c’est la forme féminine qui l’emporte. Nous retrouvons plus la forme féminine dans le corps androgyne que la forme masculine. Le muscle disparaît pour laisser la place à des rondeurs féminines.

BM : Nous pouvons mettre cela en rapport avec la psychologie. Au départ, l’enfant, qu’est-ce qu’il rencontre? Une femme, et non pas un homme. Quelle première image va-t-il avoir sous les yeux? L’image d’une femme. Donc, c’est normal que nous ayons cette tendance à figurer un corps plutôt féminin que masculin.

Je crois que l’androgynie d’un corps (qu’il soit peint, modelé ou sculpté) ne peut être l’unification du féminin et du masculin qu’après un travail d’élaboration d’une évolution intérieure. Si nous arrivons à l’androgynie, je ne pense pas que nous puissions sculpter ou peindre spontanément un corps qui soit plus féminin ou plus masculin.

Si nous voulons représenter l’androgyne, nous allons le concevoir parfaitement unifié autant masculin que féminin. Certains diront qu’il s’agit d’une femme, d’autres qu’il s’agit d’un homme, chacun suivant sa perception personnelle. Mais cette perception sera toujours liée à la première image vue, et c’est l’image d’une femme.

MF : Pour en revenir aux Tarots, vous avez parlé du Sphinx androgyne ; mais il y a aussi la figure du diable qui est hermaphrodite…

BM : Oui, mais nous ne sommes encore qu’à la 15ème étape. Arrivés à la 21ème (qui est l’avant-dernière, ensuite il y a l’image du Fou, qui représente une nouvelle étape du travail initiatique ; ce personnage code la partie encore folle de l’être par rapport à un absolu) nous avons la lame du Monde : dans la plupart des iconographies du Tarot, cette carte figure en son centre une vierge (l’image d’une femme), pourtant cette dernière étape figure l’androgynie obtenue à la suite d’un cheminement extraordinaire.

Par conséquent la femme (qui porte une baguette brisée, parce que devenue inutile, et formant le V de la victoire) n’est pas conforme aux différentes figures alchimiques, qui montrent la Pierre Philosophale comme une structure androgyne, et non pas comme une image féminine.

Si dans le Tarot une image féminine clôt le parcours du Grand-Œuvre, c’est peut-être une erreur sur le plan métaphysique ; la carte du Monde devrait illustrer le symbolisme de l’androgynie. Mais nous pouvons dire que le parcours n’est jamais terminé, nous n’avons jamais fini de nous séparer de la fonction maternelle pour aller vers la fonction paternelle, et c’est par là que passe l’évolution psychologique.

Par conséquent nous avons tendance à mettre une femme à la 21ème place parce qu’elle représente la Vierge du Monde. Nous sommes d’avantage Yin que Yang sur le plan de l’évolution c’est quand nous aurons rajouté la dimension yang que nous parviendrons à l’androgynie.

L’évolution se subdivise en plusieurs cycles illustrés par la roue, la rota (anagramme de Tarot), et en fin de cycle la fonction paternelle n’est pas suffisamment incarnée, il y a encore manque de Yang.

L’androgynie devient très intéressante à étudier au niveau des couples, par rapport à la théorie de la réincarnation. Donc, si nous considérons la théorie de la réincarnation, si nous méditons, si nous notons nos rêves, nous constaterons que nous avons été hommes et femmes successivement dans nos vies passées. Le but maintenant est d’arriver à l’androgynie intérieure, en unifiant l’aspect masculin et l’aspect féminin.

L’une des manières d’effectuer ce travail consiste à étudier les rêves. Prenons l’exemple d’une femme mariée : Elle rêve de son mari avec ses défauts réels (au début de la notation de ses messages nocturnes).

« Inutile de noter mes rêves » dit-elle « puisque dans mes rêves mon époux a les mêmes défaut que dans la réalité. Je les connais et je les subit déjà concrètement, si en plus il faut que j’en rêve…! »

Eh bien elle remarquera, au bout d’un certain temps, si elle continue ce travail sur ses expériences nocturnes, que l’image du mari dans les rêves va évoluer, va devenir de plus en plus parfaite. Il va y avoir progression de l’image du mari, et la rêveuse va se rendre compte que le mari, qui correspond à l’homme de la réalité (dans le premiers temps de la notation des rêves) code en même temps sa partie yang.

Au début d’une introspection analytique, la partie yang de la rêveuse correspond au mari ; bien entendu, c’est l’état de l’évolution de la rêveuse au moment où elle a choisi son mari. Mais, en évoluant, l’Animus de la femme va se développer et va prendre comme image (dans les rêves) celle d’un homme de plus en plus évolué.

Or, l’époux de la réalité n’a pas forcement changé favorablement. Donc nous en déduisons que le type d’homme que cette femme a épousé est une image en miroir de son yang. Ainsi les défauts que la femme critique chez l’homme révèlent les défauts que la femme avait dans ses vies antérieures. Tant qu’elle ne réussira pas à aimer l’ombre chez l’autre (c’est-à-dire ses défauts), et bien la bête ne se transformera pas en prince charmant.

Mais si la rêveuse se met à aimer son compagnon avec ses défauts, elle va noter une amélioration progressive de son mari dans les rêves codant une unité intérieure grandissante. Même chose, bien sûr dans le cas d’un homme ; l’époux qui critique les défauts de sa compagne réalisera que les imperfections dont il se plaint ce sont les défauts qu’il avait dans ses vies antérieures en tant que femme.

Lorsqu’on accepte et aime ses incarnations passées avec leurs erreurs, il y a diminution du Karma (Karma provient de la racine sanscrit qui signifie : « faire, action » en sanscrit ; toute action entraîne des conséquences, d’où cette notion de Karma.

Ce que l’on aime pas chez les autres, renvoie à ce que l’on n’aime pas chez soi, nos imperfections dans les vies antérieures. Si nous n’en sommes pas conscients, nous ne nous pardonnons pas et nous continuons à subir le Karma.

LF : Mais, est-ce que ce travail d’androgynie dans le couple va permettre à l’autre d’évoluer, de se transformer, de devenir unifié?

BM : Malheureusement rien n’est certain. Bien sûr, plus nous avançons et plus nous aidons notre conjoint à progresser, mais l’autre à son libre-arbitre et peut ne pas suivre cette évolution.

À ce moment-là, il y a deux solutions : se séparer ou rester, et dans ce cas, si l’on réussit à aimer l’autre avec ses défauts, il n’y a plus de karma. Même si l’autre garde ses imperfections, ça ne nous touche plus ; nous sommes au-delà, nous tendons à la divinité. C’est une voie de réalisation que d’aimer l’autre dans le couple dans son imperfection. Mais bien sûr nous pouvons choisir un autre chemin et trouver quelqu’un avec qui ce soit plus facile. C’est la liberté de chacun.

LF : J’ai lu, dans un livre traitant de la sagesse taoïste ancienne, qu’il y avait un désaccord opposant aux écoles taoïstes, certains disant que rien de ce qui est Yin ne pouvait parvenir à l’immortalité. L’immortalité serait uniquement Yang et il faudrait abandonner la moindre particule de Yin en soi pour aller vers le Yang absolu. Alors dans ce cas là, quel sens donner au fait que l’homme aille à la rencontre de son Yin? S’il tend à l’immortalité, doit-il se débarrasser de son Yin? Est-ce que nous devons tous devenir masculin?

BM : Je crois que la finalité, c’est l’unification entre le masculin et le féminin et non pas une suprématie du masculin. Tout à l’heure, je disais qu’il nous manque du Yang mais je n’ai pas précisé. Nous pouvons nous réaliser autant dans un corps de femme que dans un corps d’homme. L’androgynie, c’est l’unité du Yin et du Yang.

MF : Mais, vous dites qu’il faut quitter la mère pour aller vers le père…

BM : Oui, mais en psychologie ce n’est pas fini, en suite il faudra quitter les parents, car ils ont un rôle de fonction maternelle pour aller vers un père nouveau. Et au bout d’un certain temps ce père nouveau va devenir sécurisant, il va fonctionner comme une mère, alors il faudra passer à une nouvelle étape où la fonction paternelle va être encore plus avancée.

À travers ce travail, l’homme, bien sûr, doit développer son Yin et la femme son Yang. Mais malgré tout, autant l’homme que la femme, nous manquons d’une partie de Yang. Disons que nous sommes plus lunaire que solaire. Le but est d’arriver à cet aspect solaire.

Alors, ce qui est intéressant à étudier à travers les rêves (j’ai pu le constater, ayant en analyse aussi bien des homosexuels que des hétérosexuels hommes et femmes), c’est que pour tous, quelque que soit le mode de vie sexuelle, il y a le même travail à faire. C’est-à-dire que pour un homosexuel homme, l’évolution va passer par le fait d’arriver à avoir des rêves où il va se voir aimer une femme. L’hétérosexuel homme ne peut évoluer que s’il arrive à se voir dans les rêves aimer un homme, de même pour la femme.

La femme hétérosexuelle est très étonnée parfois, en fin d’analyse, d’avoir en rêve un rapport amoureux avec une femme. En réalité, c’est parce qu’elle est en train d’aimer enfin sa propre féminité. Elle répare la relation affective au premier objet d’amour qui est la mère. De même chez l’homme hétérosexuel. Il est surpris à partir du moment où il se voit aimer un homme (en rêve). C’est là le pas vers l’androgynie : aimer spirituellement autant l’homme que la femme.

FC : Est-ce que l’amour pour un homme ou pour une femme, que ce soit un amour homosexuel ou un amour hétérosexuel, peut nous conduire à l’illumination?

BM : Rien ne l’empêche si nous développons un amour pour l’autre. À travers l’autre, homme ou femme, nous pouvons conquérir l’illumination. L’essentiel est de tendre vers l’androgynie, c’est-à-dire d’aimer (à travers l’autre) tous les êtres, hommes et femmes. C’est là le chemin de l’androgynie.

Bien entendu, une fois parvenu à cette initiation majeure, il convient que la conscience cosmique devienne permanente, ce qui est l’ultime Androgynie. À ce stade de réalisation absolue nous ne sommes ni bisexuels, ni homosexuels, nous avons transcendé la sexualité (sans pour autant que celle-ci soit interdite).

MF : Donc, un maître réalisé peu très bien aimer un être quelle que soit l’apparence de son corps, polarisé masculin ou féminin?

BM : Oui, il est unifié.

SP : Oui, mais pris dans ce sens-là, ça prend une autre dimension, beaucoup plus profonde et noble, parce que c’est l’unification du corps et de l’esprit.

BM : Précisons : l’unification du corps, de l’âme et de l’esprit. Nous pourrions dire en revenant à l’homosexualité que deux hommes ou deux femmes ne peuvent pas mettre d’enfant au monde ; par conséquent, au niveau de la créativité, il y a un facteur manquant et pourtant…

MF : Et si c’est d’un enfant spirituel qu’il s’agit, comme c’est le cas parfois même dans les couples hétérosexuels?

BM : Voilà, deux homosexuels peuvent mettre au monde leur enfant divin aussi bien qu’un couple hétérosexuel. Dans une réalisation de couple il n’y a pas que les enfants de chair : il y a les enfants symboliques, résultat des réalisations communes du couple : projets, créations, etc… et lorsqu’à ces réalisations humaines s’ajoute la dimension spirituelle, l’enfant symbolique devient l’enfant divin. Cela est valable aussi bien pour un couple homosexuel qu’hétérosexuel.

MF : Donc, d’après vous, spirituellement parlant, le couple homosexuel a autant de valeur que le couple hétéro? Ce n’est pas un obstacle au parachèvement de l’évolution spirituelle comme on pourrait avoir tendance à le croire?

BM : Oui, il faut le dire, parce que nous sommes dans un racisme à ce niveau-là depuis trop longtemps et il faut en sortir.

Cependant, de même que chez les hétérosexuels, s’ils ne cherchent pas la spiritualité, il y a une lacune. Le plaisir et la jouissance ne peuvent arriver à une intensité extraordinaire entre deux êtres que dans l’amour corps, âme, esprit.

Alors ce qui manque dans l’homosexualité, c’est uniquement la procréation. Il y a aussi le problème de la liberté et de ses implications. La loi divine est la suivante : nous ne pouvons pas faire l’amour n’importe quand, n’importe où, n’importe comment et avec n’importe qui. Les conséquences finissent par nous atteindre. Le but consiste à manifester enfin un amour vrai. Cet amour va se développer si nous nous confrontons à la réalité de la loi dans son sens psychologique et spirituel.

MF : Dans tous les cas, le but serait d’arriver à être capable, ne serait-ce que symboliquement, ne serait-ce qu’en rêve, d’aimer les deux sexes?

BM : Ce qui est certain, c’est que si nous aimons les deux sexes nous arrivons à l’Androgynie. Mais il ne s’agit pas là d’amour physique : si nous voulions faire l’amour avec tous les gens qui nous attirent et qui sont intéressants pour nous, nous n’en finirions pas ; chaque être est unique et a son charme personnel. Le but consiste à se centrer ; cela signifie qu’à un moment donné de l’évolution, on est obligé de choisir si on veut se réaliser dans la voie de l’Androgynie. Il faudra choisir pour, à travers une personne, aimer toutes les autres ; on peut aussi aller vers une voie ascétique d’égale valeur et ne pas pratiquer l’amour physique.

MF : Ou avec soi-même! (rires)

BM : Avec soi-même, ce peut-être sur le plan physique une régression. Sur le plan de l’esprit, faire l’amour avec soi-même c’est possible.

MF : Donc ce peut-être le contraire de l’amour de l’autre en fait : cela peut-être la peur de l’autre, rester dans sa bulle.

BM : Oui, à l’âge adulte c’est une fuite… dans l’absolu, la finalité serait de faire l’amour avec amour. Faire l’amour corps/âme/esprit est le stade ultime. Le temps de passer toutes les marches de l’escalier de l’évolution, il faut respecter la liberté de chacun.

FC : Je crois qu’effectivement il faut faire l’amour par amour. Mais l’état actuel de l’humanité n’impose pas de diktats. Au contraire, ce n’est pas avec des diktats qu’on arrivera à faire en sorte que l’évolution spirituelle des gens les mène à penser que l’amour, c’est quelque chose de sérieux, et que la chasteté c’est aussi quelque chose qui… bon, j’aime ce terme, la chasteté est une notion que je trouve très profonde.

BM : Mais il y en a qui choisissent cette voie, l’absence de rapport sexuel, le brahmacharya, la voie sèche, la voie ascétique, seul ou à un moment donné au sein du couple. J’ai en analyse des clients qui ont choisi cette voie-là ils avancent sur ce chemin et obtiennent la même relation d’androgynie.

C’est remarquable dans les rêves, ce qui est magnifique chez les gens chastes, ce sont leurs rêves de sexualité. Ils en arrivent à des rêves de sexualité, et ensuite ils se voient (toujours en rêve) avec un enfant, l’enfant qu’ils ont fait évolué à deux, alors qu’ils n’ont pas de compagnon ou de compagne dans la réalité.

Bien-sûr, pour les couples hétérosexuels qui ont des enfants, la difficulté consiste à ne pas confondre leur enfant physique avec l’enfant divin. L’enfant de chair prendra un jour son autonomie, il ne nous appartient pas. Mais il est un enfant dont nous ne devons pas nous séparer et c’est l’enfant divin.

MF : Pour conclure?

BM : Pour conclure, l’être humain reste entièrement libre de choisir la voie qu’il désire, et il lui est toujours possible de changer de chemin spirituel autant qu’il le veut. Mais il faut toujours étudier dans la voie choisie l’économie que nous faisons d’une autre voie, sans pour autant obligatoirement en changer.

L’être humain, s’il veut conquérir le bonheur (voir le Nirvana) doit choisir l’unité : Corps, Âme, Esprit ; choisir l’harmonie entre la Terre et le Ciel, l’unité entre le Matériel, nécessaire, et le Spirituel indispensable, le respect et l’amour envers les différents règnes (minéral, végétal, animal, humain et supra-humain).

L’Androgynie passe par l’amour universel, elle abolit les différenciations inhumaines et les préférences.

L’androgynie ne s’arrête pas à l’unité féminine/masculine (qui n’est pas un mélange, mais une parfaite conjonction). Nous devons y ajouter l’androgynie entre familles, l’androgynie entre groupes socioculturels, l’androgynie entre partis politiques, l’androgynie des races, l’androgynie des religions, l’androgynie entre les êtres humains, l’androgynie entre la Terre  et le Ciel, enfin l’androgynie entre l’Humain et Dieu.

Bibliographie  :

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, Le Yoga Tantrique, FAYARD.

Serge Hutin, L’amour magique, Albin Michel.

, Les secrets du tantrisme, Bib. Marabout.

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